par osiris » 15/02/06, 18:08
TOKYO (AFP) - Confronté à une fronde politique grandissante, le Premier ministre Junichiro Koizumi a dû surseoir à son projet législatif controversé d'installer une impératrice sur le trône du Japon à la suite de l'annonce surprise de la grossesse d'une princesse impériale.M. Koizumi a renoncé à soumettre sa réforme du Code impérial au cours de la présente session qui s'achève en juin, comme il s'y était engagé, selon les médias citant des sources gouvernementales.
Interrogé, le Premier ministre s'est contenté de déclarer que son Parti libéral-démocrate (PLD) organiserait des "séminaires" afin de procéder "avec prudence" pour éviter d'"instrumentaliser politiquement" la question.
Mais il a également reconnu que la donne avait "changé" après l'annonce cette semaine que la princesse Kiko, 39 ans, l'épouse du frère du prince héritier, est enceinte et doit accoucher en septembre ou octobre.
En effet, la nouvelle fait renaître l'espoir d'un héritier mâle au trône. Aucun garçon n'est né au sein de la famille impériale depuis plus de 40 ans, ce qui suscite au Japon de vives interrogations et des doutes sur la pérennité de la plus ancienne dynastie du monde (qui remonte à 2.600 ans).
L'annonce de la grossesse de la princesse Kiko a fait l'effet d'une bombe au moment même où le Premier ministre s'apprêtait à présenter devant la Diète son projet de loi autorisant l'accession des femmes au trône. Les adversaires traditionalistes d'une succession matrilinéaire ont sauté sur l'occasion pour exhorter M. Koizumi à prendre le temps de la réflexion.
Jusqu'à présent, une majorité de Japonais soutenait le projet de réforme de la loi de succession impériale, selon les sondages, mais ces dernières semaines, le chef du gouvernement a été confronté à une levée de boucliers contre ses plans, au sein même de son propre camp conservateur.
Quelque 180 parlementaires conservateurs (sur 772 députés et sénateurs) avaient pétitionné en faveur du statu quo.
Dans leur sillage, plusieurs ministres du gouvernement de M. Koizumi avaient lancé un appel à la prudence contre toute "décision hâtive".
Jeudi, déjà, M. Koizumi avait affiché sa volonté d'obtenir un "consensus" avant de soumettre cette réforme qu'il jugeait néanmoins nécessaire.
Mais il a finalement abandonné son projet, estimant qu'il fallait "éviter tout trouble politique", selon le quotidien conservateur Yomiuri.
L'éventuelle révision du Code impérial --si elle voit jamais le jour-- devrait donc échoir au prochain gouvernement, puisque M. Koizumi doit quitter le pouvoir en septembre prochain.
"La grossesse de la princesse Kiko a sapé l'enthousiasme du Premier ministre (pour la réforme)", juge le Yomiuri, en soulignant par ailleurs que l'heureux évènement permet à M. Koizumi d'échapper à "l'énorme chaos" qui aurait inévitablement prévalu s'il avait forcé le mouvement.
Prudent stratège, le Premier ministre a confié à son dauphin, le numéro deux du gouvernement Shinzo Abé, qu'il valait mieux mettre fin à cette polémique qui prenait une tournure politique périlleuse afin de ne pas diviser la nation, témoigne le quotidien nationaliste Sankei.
Pour le politologue Tetsuro Kato, le Premier ministre a saisi la chance inattendue de "se débarrasser à temps" d'une véritable patate chaude.
Cette marche arrière a provoqué un immense "soulagement" au sein du Parti libéral-démocrate, assure de son côté le quotidien d'affaires Nihon Keizai.
Un chef de file des traditionalistes, Hakubun Shimomura, membre du PLD, a affiché un large sourire en qualifiant la grossesse de la princesse Kiko de "kamikaze" ("vent divin" en japonais), selon le Nikkei.